Gala d’Ouverture : perdu dans la rêverie de Fitzgerald

· Gala d'ouverture pour la saison 23/24 de l'Opéra de Paris ·

Date
Nov, 21, 2023
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Les lumières s’avivent à mesure que la terre accomplit l’embardée qui la détourne du soleil : à présent l’orchestre joue une musique jaune cocktail et le chœur des voix monte d’un ton. De minute en minute, le rire devient plus facile, s’épanche avec plus de prodigalité, s’écoule comme d’une coupe qu’un mot joyeux suffirait à renverser.
– F. Scott Fitzgerald, «Gatsby le Magnifique», chapitre III

Dans l’éclat des lumières dans la nuit à Paris, un écrin qui se trouve dans le neuvième arrondissement dévoila son joyau le plus somptueux et éclatant, à l’occasion du Gala d’ouverture de l’Opéra de Paris au Palais Garnier. Ce sanctuaire artistique ouvrit ses portes dorées pour révéler un monde de splendeur et pour une célébration exquise de tous ses arts grandioses.

Les draperies flamboyantes de soie et de satin tombaient en volute de la voûte du grand escalier du Palais Garnier, et scintillaient comme la Voie lactée dans le ciel. Les invités étaient parés de leurs plus merveilleux atours et créaient un vitrail vivant. Les femmes revêtaient des étoffes éblouissantes qui évoquaient l’élégance des ballets de peinture de Degas ; quant aux hommes, tels des dandys modernes, ils étaient habillés de smoking impeccable. Ces tableaux vivants faisaient la navette ici et là, et de nouveaux arrivants ajoutaient, sans cesse, une ambiance vibrante et gaie.

La salle de spectacle accueillit ses 2054 spectateurs dans une atmosphère enivrante et les lumières papillotantes des lustres jetaient un éclairage virevoltant sur les visages, dont les yeux reflétaient les étincelles de l’anticipation, et flattaient les velours pourpres qui ornent les fauteuils et les murs des loges sous le plafond de Chagall.

L’orchestre lança la « Marche Troyenne » de l’acte I des Troyens de Berlioz, et ainsi commença ce gala prodigieux avec le Défilé du Ballet de l’Opéra, un rituel phénoménal qui transcendait le temps. La cadence régulière rythmait l’air, la sonorité des cuivres et des bois scandait l’arrivée des danseurs, depuis le foyer de la danse situé à l’arrière de la scène. Les élèves de l’École de l’Opéra, les petits rats ouvrant le défilé, les Quadrilles, les Premiers danseurs, les Coryphées, les Sujets et finalement, les Étoiles, émergèrent dans un crescendo envoûtant et s’avancèrent jusqu’au proscénium pour saluer le public. Les Étoiles se présentèrent une par une des plus récemment nommés ; Hannah O’Neill, mais aussi Marc Moreau et Guillaume Diop qui honorèrent leur premier défilé comme Étoile ; par ailleurs, la salle célébra également ce soir-là les adieux à la scène d’une ancienne Étoile, Émilie Cozette.

Éclipsant même les étoiles du ciel, toutes ces éminences de la danse possédaient la scène, parés de costumes, de tutus et de diadèmes créés par la Maison de Chanel. Les danseurs, gracieux et élégants, illuminèrent l’espace de leurs allures magnétiques ; les diamants jetèrent des feux comme des papillons de flammes s’élevant, dansant et s’entrelaçant dans l’azur.

The Season’s Canon, Crystal Pite
The Last Call, Marion Motin
Photo: Julien Benhamou

Bien sûr, la chorégraphie de Crystal Pite retrouve toujours une collision harmonieuse entre l’immensité du monde naturel et la beauté ; cependant, le clou de la soirée, après l’entracte, fut The Last Call chorégraphiée par Marion Motin. Ce fut un poème contemporain visuel, une chorégraphie qui transcendaient la réalité dans un espace-temps entre la vie et la mort. L’air dans la salle était figé, mais on ressentait la pulsation du cosmos ; les spectateurs retenaient leur souffle et étaient immergés dans cet océan de mouvement et se faisaient emporter par cette beauté brutale.

À la fin de la soirée, alors que les dernières notes s’éteignaient et que le rideau tombaient sur cette nuit qui restera gravée dans les mémoires par la grâce de sa puissance artistique. Ce Gala d’ouverture fut bien plus qu’un spectacle, il fut une célébration flamboyante de l’Art et une manifestation sublime de la créativité humaine.

Depuis cette nuit-là, dans l’éclat des étoiles, réside un enchantement éternel.

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